L’abduction

 

les encarts de Sébastien Pesce cf Thèse

L’abduction


Encadré 6 :
La notion d’abduction

L’abduction est un type d’inférence (comme l’induction et la déduction), c’est-à-dire une opération mentale qui permet « le passage fondé en raison d’une ou de plusieurs propositions dites prémisses à une autre proposition qui est la conclusion »1. Aristote commente déjà dans l’Organon cette inférence2. Malgré les travaux de Peirce, l’abduction n’a que récemment suscité l’intérêt des chercheurs. Les travaux sur l’intelligence artificielle3, les systèmes experts4, ou simplement les raisonnements quotidiens5, ont pu montrer, depuis une quinzaine d’années, que l’abduction constituait une part essentielle des phénomènes cognitifs.

Si la déduction est une inférence de la règle au cas particulier et l’induction du cas à la règle, chacune produit une conclusion certaine. L’abduction s’en distingue en tant qu’elle est une inférence à une cause probable, non certaine. Dans ses premiers travaux, Peirce parle d’« hypothèse », pour faire référence à l’abduction6. Il lui donne plus tard une place plus importante, dans la modélisation qu’il propose de la démarche scientifique. L’observation de faits surprenants remet en question une théorie connue, ou un système de croyances. Sur cette base, l’observateur, par abduction, élabore des hypothèses portant sur certains aspects de la théorie ou de la règle, qu’il vérifiera ensuite par induction et déduction.

Ainsi définie, l’abduction constitue une forme de « mise en sens » d’une réalité contradictoire, par le moyen de la production de catégories (sous la forme de ces règles hypothétiques).

Ce modèle renvoie finalement à une vision de l’activité scientifique défendue par d’autres auteurs. Diderot met en lumière ces mécanismes dans le Discours sur l’interprétation de la Nature7. On retrouve chez Kuhn une description de l’activité scientifique « extraordinaire » qui rappelle le modèle peircien : en situation de crise, lorsque les observations contredisent la théorie, une « science extraordinaire » se met en branle selon le modèle suivant : 1/. conscience d’une anomalie (contradiction entre faits et paradigme) ; 2/. exploration du domaine de l’anomalie ; 3/. réajustement du paradigme. C’est la fameuse « structure des révolutions scientifiques ». La seconde phase inclut des processus abductifs, même si Kuhn n’utilise pas ce terme8.

1 Peirce, cité par Chenu (1984 : 25-26)
2 Voir Aristote (1992), les Premiers Analytiques II, 25
3 Atocha (1996)
4 Voir notamment Flachs & Kakas (2000)
5 Leake (1995)
6 Peirce (1867-1905/1993 : 179)
7 Diderot (1754/2005)
8 Kuhn (1962/1983 : 100-115)












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